ようこそ YÔKOSO!

ようこそ YÔKOSO! Bienvenue!
Voici le blog que j'ai créé lorsque j'ai appris que j'étais mutée, pour 1 an, au Japon. Je le complète au fur et à mesure de mes découvertes sur le pays, thème par thème, ville par ville. Bonne lecture!

Mon ancienne adresse (juste pour mon souvenir personnel): Kyoto Apartement 2, 89-2, Room 204, Tanaka Ooicho, Sakyoku, Kyoto 606-8202

Nombre de jours passés sur place: 324.

TSUNAMI du 11.03.2011


TSUNAMI DU 11.03.2011


Il est 14h46 au Japon, lorsque qu'un gigantesque tremblement de terre de magnitude 9.0, se produit au large des côtes de Sendai. C'est le plus fort séisme jamais enregistré au Japon.

Il est si puissant, que des ondes d'intensité 5.5 parviennent jusqu'à Tokyo, provoquant d'importants dégâts et départs d'incendies.

Or, lorsqu'un séisme, de magnitude supérieure à 5, menace de se produire, chaque japonais se trouvant dans une zone concernée reçoit un message d'alerte sur son téléphone ou ordinateur portable. Sur cette vidéo, on peut carrément voir le décompte avant les 1eres secousses!


Alors que la terre tremble sous leurs pieds, des vidéastes amateurs filment l'évènement: 

Dans une salle de conférence à Tokyo...



Un japonais, chez lui, avec sa mère...



Le photographe et journaliste David Michaud se trouvait dans un magasin d'électroménager de Yokohama.

Il filme avec son iPhone...



Pour retrouver son récit sur son blog:
http://www.lejapon.fr/blog/index.php?2011/03/11/1073-gros-seisme-sur-tokyo

Alors que tout se brise autour d'eux et qu'ils risquent d'y laisser leur peau, vendeurs et vendeuses (code du travail oblige), s'occupent des clients et des marchandises...



Dans le métro...



Dans une gare...
 

Depuis les immeubles...


 

Dans un parc, le journaliste Brent Kooi de CNN filme même les mouvements du sol...
 




Au même moment, mes petits élèves et moi-même sommes en classe à Kyoto (à environ 600km à vol d'oiseau de la zone touchée). Nous n'avons aucune idée de ce qu'il vient de se produire et nous nous apprêtons à sortir en récréation.


C'est à ce moment là, que le directeur sort de son bureau pour nous demander si nous avons senti le tremblement de terre? Il est persuadé d'en avoir senti un, avec la comptable de l'école et une assistante maternelle. Nous rigolons et râlons d'avoir encore loupé ça!


[Beaucoup me reprochent de vouloir ressentir un tremblement de terre et me prennent pour une folle lorsque je dis ça. Pourtant, je ne suis vraiment pas la seule au Japon à vouloir ressentir ça et vous allez voir que même certains japonais à Tokyo ont eu pour première réaction de rigoler lorsque la Terre s'est mise à trembler. Bien sur, aucun d'entre nous n'a jamais souhaité vivre ce qui s'est passé, mais sentir, ne serait-ce qu'une fois dans sa vie, les manifestations de la Terre en vrai, sous ses propres pieds, a quelque chose de fascinant et de désirable. Je ne l'explique pas, mais je ne m'en excuse pas non plus. C'est comme ça, c'est là, en moi et en nous, point.]


Lorsque nous remontons de récréation, mes petits élèves partent avec leur professeur(e) de japonais. Je reste donc seule dans ma classe et profite de ce moment de répit pour aller vérifier sur internet, la dernière carte recensant les tremblements de terre au Japon en temps réel (http://www.jma.go.jp/jma/indexe.html) Et là, le choc...

La carte qui d'ordinaire était tout le temps parsemée de blanc (M1.0), de bleu clair (M2.0) ou de turquoise (M3.0) est recouverte de orange (M6.0), de rouge (M6.5) sur près de la moitié du pays, avec même un point violet (M7.0!!!) proche de l'épicentre, visiblement situé en mer...


Mais même là, je ne réalise toujours pas la gravité de ce qui vient de se passer. Je continue de me dire que le Japon doit être habitué à ces tremblements de terre de force 6-7 et qu'en plus il a eu lieu en mer (donc personne à cet endroit là), mais je n'ai absolument pas pensé au tsunami et je suis  à 10 000 lieues d'imaginer l'horreur qui va suivre.


Ce n'est qu'une fois rentrée chez moi (vers 17h), en allumant la TV (me disant qu'ils devaient sûrement en parler aux infos), que je comprends l'ampleur de l'évènement. A ce moment là, ils passaient déjà en boucle les images des vagues déferlant sur les côtes...



Voici une vidéo que très peu d'entre vous ont dû voir: il s'agit de gardes-côtes japonais qui se trouvaient en mer au moment où les vagues se sont formées (1e vague vers 0:50 et 2e vague vers 3:00)...


Un vidéaste amateur attend volontairement l'arrivée de la vague à quelques dizaines (?), centaines (?) de mètres du rivage!!! Les dernières minutes sont vraiment stressantes. On a peur pour lui. C'était de la folie de faire ça, il a vraiment eu de la chance...




Arrivée de la vague dans le port de Rikuzentataka...




La chaine de télévision japonaise NHK filme également, en direct, l'arrivée du Tsunami sur les côtes de Sendai:




Arrivée de la vague à l'aéroport de Sendai (à 2km à peine des côtes)...
(Si vous êtes attentifs, on peut voir deux personnes courir dehors alors que la vague arrive, je leur souhaite de tout cœur d'avoir réussi à rentrer à temps)








Le plus impressionnant, dans toutes ces images que l'on nous montre, c'est la couleur de l'eau: noire... si noire... encore plus noire que celle du Tsunami en Indonésie. Cela rend la catastrophe encore plus sinistre je trouve.

Arrivée de la vague sur la ville de Miyako...

 
Arrivée de la vague sur Kamaichi...


Même ville, point de vue différent...




Sur la ville de Kesennuma...


Même ville, point de vue différent...


Sur la tristement "célèbre" ville de Minamisanriku, la ville aux 17 000 disparus...
(Soyez particulièrement attentif à ce qu'il se passe tout en bas, d'abord au centre, puis sur la gauche de l'écran. On peut voir des gens échapper au désastre in-extremis)

 

Vous vous souvenez de ce bus qui a eu plus que chaud au fesses?


Une chose qui m'a marqué aussi, ce sont toutes ces voitures fuyant la masse d'eau en train d'arriver sur eux, qui se retrouvent volontairement hors champs de la caméra, pour qu'on ne voit rien (ou le moins possible), du bilan humain... pauvre gens, pauvre peuple japonais.

10 min... c'est le temps qu'ont eu les habitants des préfectures touchées pour évacuer les côtes, entre le tremblement de terre et la 1ere vague.

L'alerte au Tsunami est en effet donnée dès 14:49 et la 1ere vague atteint les côtes dès 14:59. D'abord totalement sous-estimée, sa hauteur sera ensuite réévaluée...


 L'alerte est également donnée dans tout le pacifique...
 


Vous imaginez? Ce que représentent 10 min pour sauver votre peau? Certains devaient encore être sous les décombres du tremblement de terre... comment fait-on pour se mettre à l'abri, ne serait-ce qu'à l'étage, quand on est coincé sous les décombres de sa maison??? Comment fait-on quand on a plus de 70 ou 80 ans pour courir et grimper sur les hauteurs, en moins de 10 min. Sendai était une région de pêcheurs et d'agriculteurs, pour beaucoup retraités...
800km/h c'est la vitesse moyenne qu'avaient les vagues. Car, il y en a eu plusieurs. Au début on a parlé de 2 vagues. Une première de 4m et une seconde de 10m. Puis les estimations ont été relevées à 14m pour la 2e vague. On parle maintenant de 20m, voire plus à certains endroits. Il y a 3m environ entre chaque étage d'un immeuble. Ce qui signifie que la hauteur de la vague était équivalente à un immeuble de 3 à 7 étages! Rien que 3 étages c'est déjà monstrueux. Alors plus, c'est juste inimaginable!

Et lorsqu'on sait que Sendai, avant la catastrophe, comptait plus d'1 million d'habitants et qu'ils s'en sortent, sur toute la côte, avec un bilan humain d'environ 28 000 morts  (derniers chiffres avancés au japon, le 07.04.2011), c'est presque incroyable... Ce chiffre est-il vraiment le bon?

Après le passage du Tsunami,  les gens commencent à se venir en aide mutuellement. des images qu'on ne nous a pas trop montré à la TV...




Les gens appellent au secours et signalent la présence de 300personnes dans un hôpital...



La préfecture de Miyagi n'est plus qu'une vaste zone de désolation...




A Kesennuma...




Alors que des secouristes du monde entier viennent prêter main forte aux forces japonaises pour rechercher des survivants, des répliques se font sentir en permanence...


Voici un site web qui montre chaque zone touchée avant et après le Tsunami:




Jusque là, on voyait des images terribles. On se sentait coupables d'avoir osé rigoler plus tôt dans l'après-midi, mais les japonais n'étaient malheureusement pas au bout de leur peine...


Dès 19h00, ce même jour, le sort s'acharne et le gouvernement est obligé d'annoncer l'état d'urgence nucléaire dans le pays, suite aux séries d'accidents majeurs qui surviennent dans la Centrale Nucléaire de Fukushima Daichi (250 km de Tokyo, 500km de Kyoto): des canalisations permettant le refroidissement des réacteurs (qui se sont automatiquement arrêtés dès le tremblement de terre) ont été sérieusement endommagées, et les réacteurs qui sont encore en surchauffe, menacent de faire sauter leurs enceintes respectives.

En tant que pauvre humain lambda, ne s'y connaissant absolument pas en matière de nucléaire et faisant une confiance totale en l'organisation et l'efficacité des japonais, on pensait que tout allait rentrer dans l'ordre assez vite et qu'ils allaient plier ça en deux-deux.

Mais lorsque le toit du 1e réacteur saute et vole en éclat, le 13 mars (soit 2 jours après la catastrophe), la panique gagne alors toutes nos têtes... Et si un 2e Tchernobyl "se préparait"?

Non... On ne veut pas y croire. Les japonais sont forts, efficaces... Ils vont maîtriser la situation.

Mais le 14 mars au matin, à peine quelques heures plus tard, le toit du 2e réacteur saute à son tour dans une explosion encore plus spectaculaire...

Dans ma chambre, l'angoisse monte. Ma petite table, qui me sert de bureau, s'est transformée en QG des communications entre moi, ma famille et mes amis. Je traque toutes les dernières infos possibles. Je ne dors presque plus.  Je m'endors vers 5h du mat, pour me lever à 7h.

Car à Kyoto, "nous sommes loin de tout ça", "pas de quoi s'inquiéter", l'école n'a donc pas fermé et n'a pas l'intention de le faire. De même, l'Ambassade de France ne semble pas avoir l'intention de rapatrier ses ressortissants français alors que les autorités allemandes ont déjà rapatrié tout le monde!

Que faire? Que se passe-t-il vraiment là haut? Est-ce risqué? Est-ce qu'on nous dit vraiment la vérité? Vaut-il mieux rentrer? Tout s'embrouille dans ma tête.




Les infos étrangères sont exagérément alarmistes. Les américains sont déjà en plein film catastrophe, la présentatrice s'emballe, je suis sûre qu'ils sont déjà en train d'imaginer une adaptation au cinéma. Les français, qu'on a trompés avec Tchernobyl, ne cherchent même plus à comprendre: nucléaire = fuir! Les japonais, eux, sont calmes (trop calmes?). Ils font confiance à leur gouvernement et au personnel de la centrale. Ils sont fatalistes, si cela doit arriver et ben  ça arrivera. De toute façon, leurs familles sont ici au Japon, elles ont besoin d'eux ici. Alors pourquoi partir? Ils veulent aider leur pays à traverser la crise.

A l'école, personne ne s'affole. Lorsque j'en discute avec les collègues, pratiquement aucun n'a l'intention de bouger, de s'éloigner, à part deux qui, comme moi,  se disent qu'il vaut mieux partir, tranquillement, en ayant le temps de faire ses bagages, tant que la panique n'a pas encore gagné l'aéroport d'Osaka (car il n'y a pas d'aéroport à Kyoto). Les regards commencent à se charger de reproches autour de nous.

Mais sans fermeture officielle de l'école, ni directives officielles de l'Ambassade ou du Consulat, quitter le japon revient à "abandonner son poste" professionnellement parlant. Or, j'aimerais pouvoir revenir, moi! Je n'en n'ai pas fini avec le Japon! Je commençais à peine mon voyage... mon aventure... MON rêve! Merde!

Ça aussi, en France, peu de monde l'a compris (pourquoi ça m'était aussi difficile que ça de prendre la décision de rentrer)... N'importe qui d'autre aurait déjà sauté dans le 1e avion. Mais moi, j'avais peur de faire l'erreur de ma vie. Et s'il ne se passait rien de plus ensuite? Et si je partais et que tout revenait dans l'ordre quelques jours plus tard? Un rêve contre quelques jours de plus...

Et puis il y a eu la goutte de trop: le toit du 3e réacteur qui saute à son tour... C'était un cauchemar. On avait l'impression que tous les toits allaient sauter les uns après les autres. Et pourquoi pas les réacteurs eux-mêmes ensuite?

Le nuage de radioactivité, émis suites aux différentes explosions, qui partait au départ vers le Pacifique, s'est mis à changer de direction et à descendre vers Tokyo. C'en était vraiment trop. Ça urgeait. Il fallait partir tant qu'il en était encore temps...

J'ai donc redoublé d'intensité dans mes négociations avec l'école. Et puis ils ont finalement accepté et m'ont proposé un congé sans solde. C'était la délivrance...

Je suis rentrée en France, le jeudi 17 mars, après 6 jours d'angoisse et de concertation avec ma famille.

Depuis, je suis de retour au Japon. La situation sanitaire n'a pas beaucoup évoluée. Je dirais même qu'elle s'est un peu dégradée. Les émissions radioactives continuent un petit peu plus chaque jour. La consommation de certains aliments est à éviter: lait, légumes à larges feuilles...

A l'école, on nous a distribué une pastille d'iode à titre préventif.

Chez moi, je suis prête pour un confinement éventuel (scotch, eau, nourriture...).

En attendant, la vie continue comme si de rien n'était. Les gens s'habillent, sortent et mangent normalement. Les restaurants sont pleins, même les restaurants de sushi...

Bref, c'est comme si rien ne s'était passé.

Du coup, je profite de l'attente pour m'informer, j'en apprends un peu plus sur la radioactivité:








Une équipe de journalistes japonais (un peu frappés sur les bords) s'est aventurée dans la zone d'évacuation des "30km" pour aller au plus proche de la centrale. A 1,5km des réacteurs, la radioactivité est de 102μSV/h:



J'espère qu'ils étaient dûment protégés...


Pour en savoir plus sur le tremblement de terre, le tsunami, l'avancement des opérations sur la centrale ou le bilan de la catastrophe, je vous recommande ce site internet: 

http://www.scoop.it/t/tsunami-japon

Il est mis à jour en permanence et apporte une foule d'informations. Bien sur, il faut arriver à faire le tri entre le sensationnel et le factuel, mais dans l'ensemble, il est plutôt bien fait.

Mes élèves dessinent la catastrophe: